dimanche 8 octobre 2017

Entretien radio

Entretien avec Marc Mangin, réalisé par Mélanie Croubalian dans le cadre de l'émission Entre nous soit dit, diffusée par la première chaine de la Radio Télévision Suisse (vendredi 6 octobre 2017).


mercredi 4 octobre 2017

mardi 8 août 2017

Le point de vue de Guillaume Duclouet

Marc Mangin est journaliste depuis plusieurs décennies. Il a parcouru maintes contrées, ce dont il nous fait part à travers de nombreuses références à la masculinité dans des cultures très différentes de la nôtre (asiatique en particulier). Mais Marc Mangin est aussi et surtout un père mélancolique, désabusé, voire désenchanté. Ce manifeste s'avère difficilement classable, recueil de pensées diverses et variées (certes stimulantes), plus qu'un essai construit et structuré autour des multiples facettes de la notion de paternité. C'est ce qui en fait sa force, mais en constitue aussi sa limite.

En effet, l'auteur témoigne très vite de s'exprimer au nom de ces pères brimés par le système, rejetés par la société et se trouvant dès lors déclassés au sein d'un monde qu'ils ne comprennent plus et dont ils sont devenus les pestiférés. L'auteur en a gros sur la patate, cela transpire à travers ses pages, même s'il se révèle finalement objectif et soucieux de se référer à des sources vérifiées. Il est évident que ce livre constitue une véritable catharsis pour son auteur, dont le père, militaire, a disparu très jeune en mission, et qui a été confronté au système judiciaire dans le cadre de son divorce. Malmené par un système quasi-matriarcal, ce que l'auteur démontre justement en s'appuyant sur de nombreuses enquêtes statistiques ou sociales (il cite nombre d'ouvrages de psychologues), tout comme le sont de plus en plus de pères en instance de divorce, Marc Mangin s'est plongé dans une intense réflexion sur ce que signifie la paternité.

Le point fort du livre réside dans la fluidité de sa lecture, agréable et facile, malgré les sujets souvent bouleversants qui y sont évoqués. Comme indiqué, l'auteur s'est bien documenté, tant dans la littérature qu'au cinéma, et naturellement auprès de sources expertes que sont psychologues et magistrats. La mention d'Albert Camus s'avère particulièrement touchante. Cependant, et c'est ici que le bât blesse, j'estime que l'auteur aurait dû davantage structurer sa démonstration afin de l'organiser par thèmes, ce qui aurait pu en faire un ouvrage de référence sur la question. Ce n'était toutefois peut-être pas l'intention de l'auteur. A certains moments, l'on ne comprend pas très bien où veut en venir l'auteur, qui égrène quantité de faits et de réflexions, entremêlés sans logique définie. Cette absence de rigueur dans la construction de l'essai dessert la thèse que tient à défendre son auteur. Ainsi, autant aborder la notion de transhumanisme pouvait-il se révéler pertinent, autant les quelques critiques du libéralisme économique ne sont pas réellement reliées au sujet principal. Mais peut-être était-ce davantage le travail de l'éditeur...

Malgré ses limites, cet ouvrage demeure de bonne facture et fort intéressant. Traitant d'un sujet trop peu abordé, par les hommes EUX-MÊMES, il permettra à ceux-ci d'y trouver un réconfort certain dans les mots de ce père blessé mais digne, et permettra peut-être de créer cette solidarité masculine qui, sans aucun doute, constituera le socle d'un combat renouvelé pour faire reconnaître l'importance de la paternité dans le développement psychologique et émotionnel des enfants. Et, de là, les hommes pourront de nouveau s'épanouir dans une société qui favorisera leur épanouissement auprès de leurs enfants.
Chronique publiée le 5 août 2017 sur AMAZON!

mercredi 19 juillet 2017

La domination, une histoire de neurones

La domination est-elle une caractéristique du mâle ?
Depuis quelques jours, nous pouvons en douter. Une équipe de chercheurs chinois* affiliés à la Zhejiang University of Science and Technology a publié mi-juillet les conclusions de travaux qui font apparaître que les ressorts de la domination ne sont pas une question de testostérone, mais de neurones. Ils en font la démonstration en intervenant dans une zone particulière du cortex d'une souris pour transformer un mâle dominé en mâle dominant.
La propension de certaines femmes et certains hommes à dominer n'a donc rien à voir avec leur genre…


Le résumé original ICI (en anglais)
L'article du Monde (payant)
L'article sur neurosciencenews.com (en anglais)


Les auteurs et leur unité de recherche


jeudi 13 juillet 2017

La transmission transgénérationnelle

Nous ne sommes pas simplement les enfants de nos parents ; nous sommes tout autant les petits enfants de nos grands-parents et les arrières petits-enfants de nos arrières grands-parents… Nous sommes les passeurs d'une histoire qui ne nous appartient pas. Nous nous inscrivons dans une filiation biologique transgénérationnelle. Oui, nous appartenons à l'histoire et il est d'ailleurs intéressant de s'interroger sur les raisons qui poussent les sociétés occidentales à privilégier l'instant présent.
Couper l'homme de ses "racines", l'isoler est le meilleur moyen de le dominer.

Voici la conférence donnée par Isabelle Mansuy – neurogénéticienne à l'université de Zürich et à l'école polytechnique fédérale de Zürich – dans le cadre du cycle "Traces de vies" donné à la Cité des sciences et de l'industrie en novembre et décembre 2014.


Un résumé des travaux d'Isabelle Mansuy

mardi 4 juillet 2017

L'adoption ne règle pas le problème de l'abandon

Très beau sujet (en anglais) sur la quête de ses racines par un enfant abandonné, trente ans plus tôt…
Un thème longuement abordé dans l'ouvrage Au nom des pères

Un résumé sous-titré sur Facebook :
https://www.facebook.com/kapusomojessicasoho/videos/10154922026076026/
 
 
PART 2
PART 3

lundi 3 juillet 2017

Les trafics d'enfants de la France de 1960 à 1980

Le chiffre généralement admis est de 1.600, mais l'on en recense déjà plus de 2.150 de ces petits Réunionnais arrachés à leur île et à leur famille pour repeupler les zones rurales en voie de désertification, dans les années 1960 et 1970.
Une politique tout à fait officielle de l’État, mise en place par Michel Debré, député de la Réunion (puis ministre de Tout sous de Gaulle et Pompidou) et maire d'Amboise (qui n'est pas le chef-lieu de la Réunion), avec la complicité de la Direction départementale de l'aide sanitaire et sociale (DDASS), l'ancêtre de l'Aide sociale à l'enfance (ASE).
On les appelait "les enfants de la Creuse" parce qu'ils transitaient par ce département avant d'être dispatchés, comme les juifs transitaient par Drancy pendant la Seconde Guerre mondiale avant de prendre par convois le chemin des camps d'extermination du régime nazi. la comparaison est osée, tant ce déplacement de population organisé s'inscrit dans la grande tradition esclavagiste de la France.


La Réunion : déjà 2.150 “enfants de la Creuse” recensés

Saint-Denis de la Réunion, 11 octobre 2016, une commission d'experts consacrée à la migration forcée vers la métropole de mineurs réunionnais entre 1963 et 1982 a déjà comptabilisé 2.150 enfants déplacés d'office pendant cette période, selon les premiers résultats présenté mardi à la Réunion.
Composée de trois universitaires et d'un inspecteur général des affaires sociales, la commission, créée en février par l'État, "a deux ans pour étudier et rendre un rapport sur ce pan méconnu de l'histoire de La Réunion", a indiqué lors d'un point-presse en préfecture, le sociologue Philippe Vitale, président de cette instance.
"Depuis neuf mois que nous travaillons, nous avons trouvé une différence notable sur le nombre de Réunionnais transplantés dans l'Hexagone de 1963 à 1982. De 1.615 (chiffre habituellement évoqué, issu d'un rapport de 2002, ndlr), nous en sommes aujourd'hui à 2.150", a indiqué Philippe Vitale. 
L'objectif principal de la commission est d'établir un listing nominatif des enfants déplacés, souvent vers des territoires ruraux tels que la Creuse, désertés par ses habitants. 
Les experts souhaitent approfondir la connaissance historique sur cet épisode afin de le diffuser plus largement. Ils espèrent également établir un tableau précis des populations concernées et indiquer les décisions et actes expliquant le transfert de ces jeunes Réunionnais, effectué sous l'impulsion de Michel Debré, alors député de La Réunion.
Philippe Vital rappelle que certains enfants "sont partis à 4 ans et n'ont plus jamais remis les pieds sur l'île, ils n'ont plus de traces de leurs familles et ne connaissent pas leur histoire". Une meilleure prise en charge des dossiers de ces ex-mineurs déplacés est aussi prévue afin d'améliorer leur accès et leur hébergement à La Réunion. La commission compte auditionner "ceux et celles qui ont vécu ce triste épisode de l'humanité" car "expliquer n'est pas excuser", a nuancé Philippe Vital. 
L'expression "enfants de la Creuse" désigne les enfants et adolescents réunionnais retirés à leurs familles et envoyés d'office dans 26 départements métropolitains, dont la Creuse, le Tarn ou la Lozère.  Certains de ces enfants ont ensuite été adoptés sans que leurs parents aient renoncé à leurs droits parentaux. Beaucoup ont été utilisés comme main d'oeuvre bon marché par leurs familles d'accueil, d'autres ont subi des agressions sexuelles. 
En 2002, l'un d'eux, Jean-Jacques Martial, a attaqué l'État français pour "enlèvement et séquestration de mineur, rafle et déportation". D'autres plaintes ont suivi. Elles sont restées sans suite à ce jour. 
Le 18 février 2014, l'Assemblée Nationale a voté une résolution mémorielle qui reconnaît la "responsabilité morale" de l'État dans cette migration forcée. 

PLUS
• À lire le dossier de Valérie Magdelaine Andrianjafitrimo paru en février 2009 dans la revue Itinéraires 
• Le livre de Jean-Pierre Martial : Une enfance volée (édition Les Quatre-chemins)
• Le film de Guénola Gazeau et Pierre Lascar réalisé en 2016
• L'émission consacrée au sujet après la projection du film de Guénola Gazeau et Pierre Lascar présentée sur France O (sur Youtube)

dimanche 2 juillet 2017

Les enfants volés de l'église franquiste

21.000 enfants enlevés par le régime franquiste avec la complicité de l’Église catholique !


Un documentaire sur les « enfants volés » va passer quasi clandestinement sur FR3 ce lundi11/02/13 à 0h10* ! Il eut pourtant pris tout son poids, au moment où nos propres prélats cherchaient à imposer la loi religieuse sur la loi civile. Car question GPA barbares l’église espagnole se posait là. Ces vols d’enfants démarrés au lendemain de la guerre civile au nom d’une idéologie de lutte contre le virus rouge va se poursuivre pour des motifs mercantiles, toujours sous l’égide de l’église qui, jusqu’en 1987, gérait les adoptions. La seule religieuse inculpée – sœur Juana – vient de mourir.

L’historien Ricard Vinyes chiffre à 21.000, rien que pour 1942 et 1943, les enfants enlevés de force à des mères républicaines par le régime franquiste avec la complicité active de l’église catholique.
Le juge Baltasar Garzón,  qui a d'ailleurs perdu son poste en tentant de faire avancer ce dossier des enfants volés du franquisme, cite un document d'une institution religieuse, chiffrant à 30.960 au cours de la décennie 1944-1954 le nombre d'enfants de prisonnières politiques placés sous tutelle de l'Etat. Selon ce magistrat, c'est "un nombre indéterminé" d'enfants qui, de manière "systématique, préconçue et avec une volonté véritablement criminelle", auraient été soustraits à des familles "qui ne s'ajustaient pas au nouveau régime [franquiste]". Des milliers de femmes républicaines venues accoucher dans les hôpitaux ressortent sans bébés. ("La madre biológica entraba por un lado y la adoptiva salía con un bebé por otro").  Tous, sont déclarés morts nés. En fait, l'enfant, bien vivant, est placé sous la tutelle d'une famille proche du régime franquiste, pour être rééduqué. Ce sont les religieuses qui sont chargées de voler les enfants, elles utilisaient leur influence et l'autorité de l'Eglise pour faire taire les plaintes des mères.

Garzon relate cet épisode du début des années 40 basé sur le témoignage de Félix Espejo, ancien mineur des Asturies: "Un jour, les mères [prisonnières] sortirent avec leurs enfants dans la cour [de la prison de Saturraran]. Les religieuses leur dirent que les enfants devaient rester à l'intérieur pour une révision médicale. Il y en avait une centaine. Lorsque les mères rentrèrent, ils n'étaient plus là. Concepcion [une prisonnière], qui n'avait pas d'enfant, fut impressionnée par les scènes de douleur et par les cris des mères qui réclamaient leurs petits. Ils les menacèrent en leur disant de se taire si elles voulaient rester en vie. Une femme d'Oviedo libérée peu après vit sa fille dans une maison de militaires, à Valence, mais on ne sait pas si elle a pu la récupérer ou non".

Du rapt idéologique au trafic de nouveaux-nés

Cette politique d'enlèvements, pour rechristianiser les enfants de mères rouges, s’est ensuite, avec toujours la complicité des « bonnes sœurs » et de leur hiérarchie, transformée en véritable trafic d’enfants.  «Ce qui commence comme une sorte de vengeance politique et de mise au pas de la société se transforme au fil des années en un vrai «commerce» qui aurait perduré y compris jusqu’au début des années 80», explique Hector Rojo (revue Diagonal). Ainsi Isabel, mineure et enceinte, dans la très catholique Espagne de 1974, a dû obéir à ses parents : accouchement discret et un bébé qui disparaît, confié par les religieuses, sous une fausse identité, à une famille bien sous tous rapports (Tribune de Genève 15/10/2009)

Le Monde daté du 24/12/2011 titrait en page 3 "Les enfants volés d'Espagne"  Les associations de victimes estiment à 300 000 adoptions irrégulières et vols d'enfants entre 1940 et 1990. L'article raconte qu'une femme, sur les conseils du curé de la paroisse, a simulé la grossesse, avant d'"adopter" un enfant.
"Le vol de bébés a surgi en Espagne avec le franquisme mais, par la suite, il semble qu'il se soit transformé en un pur commerce, extrêmement lucratif, qui se serait nourri de la vulnérabilité de certaines catégories de personnes : mères célibataires ou mineures, couples analphabètes [...] Ce qui a commencé comme un crime idéologique s'est transformé en une véritable mafia"  Enrique Vila cité par Le Monde.

El Mundo qui n’est pas l’équivalent espagnol du Monde, plutôt proche de l’UMP locale, le PP,  a cependant consacré un dossier aux « familles fictives : vies dérobées ». Témoignages émouvants de ces bénéficiaires du trafic : "Mes parents m'ont confessé qu'ils m'avaient acheté" : Juan Luis Moreno a su qu'ils l'avaient acheté pour 150.000 pesetas quand son père le lui a confessé dans son lit de mort ; "Ils ont payé pour moi davantage que pour un appartement"; "Un religieux leur a permis de choisir entre un petit garçon ou une petite fille", "Ils ont eu à employer une mère porteuse"...

Des couples mariés qui ne pouvaient avoir d’enfant,  se mettaient en rapport, par le bouche à oreille, avec les personnes qui pouvaient leur en fournir. On leur disait dans quelle ville ils auraient à aller et combien ils devraient payer et le jour indiqué, ils se déplaçaient là où l'échange était fait. Après ils s’arrangeaient, dans leur propre ville pour falsifier, avec aussi un paiement préalable, le certificat de naissance. Et ils se présentaient à l'état civil où ils inscrivaient le bébé. "Il y avait pratiquement toujours des personnes religieuses impliquées dans ces histoires" En effet, jusqu’à 1987, 12 ans après la mort de Franco, les adoptions étaient entre les mains de l’église.

La seule personne inculpée, une « bonne sœur », Maria Gomez Valbuena, en religion Sor Juana, est décédée en janvier. Le juge Garzón, on l’a vu a été déchu pour onze ans, par la plus haute juridiction espagnole sur plaintes de deux groupuscules d’extrême droite, pour avoir osé soulever le couvercle des 100 000 disparus du franquisme et de ces 300 000 « niňos robados ». Comme le dit Télé Obs, aucune enquête qui permettrait de vérifier les archives des hôpitaux, des maternités et des évêchés incriminés, n’a été diligentée. (« Les ombres du passé » Télé Obs  09/02/13).

 Cette église franquiste, loin de tout repentir, a continué d’afficher son cléricalisme avec la même morgue, pour tenter de bloquer les lois qui lui déplaisent. Le soutien du Vatican ne lui a jamais fait défaut. La radio contrôlée par la Conférence épiscopale espagnole a pris très systématiquement position contre le gouvernement de Zapatero, défendant, sur un ton souvent très violent, des positions proches du Parti Popular (PP). Mais, malgré le retour du PP au pouvoir, ni le mariage homo, ni l’IVG, contre lesquels cette église avait organisé des manifestations géantes, n’ont été remis en cause.

mercredi 31 mai 2017

Les enfants : un objet de commerce

Sartre, l'enfant… des sujets à retrouver dans Au nom des pères
En librairie à partir du 8 juin 2017

Non, dans Les Mots, Jean-Paul Sartre ne balaye pas le père d'un revers de main. Au contraire, dans ce texte paru en 1964, le philosophe qui aborde la soixantaine avoue le poids du manque qui lui a pesé avec des mots très forts. "Un père écrit-il n'eût lesté de quelques obstinations durables, faisant de ses humeurs mes principes, de son ignorance mon savoir, de ses rancœurs mon orgueil, de ses manies ma loi. Il m'eût habité." Il n'a pas de mot assez dur, parlant des enfants, pour dénoncer les monstres "que les adultes fabriquent avec leurs regrets" ; ce qui n'a donné au philosophe ni l'envie d'en "faire" ni celle d'en "avoir".

Les enfants ne deviennent pas un enjeu au moment d'une séparation. L'enfant est à la charnière de l'humanité de l'espèce. Il est le symbole de la transmission. Il s'inscrit entre le passé et le futur. Il est le seul présent. Le couper de ses racines (biologiques et culturelles), c'est le rendre plus vulnérable, c'est le réduire à une "chose" un "objet" pour mieux en user et en abuser.

Nous aborderons bien sur dans ce livre la question du commerce des enfants et des réseaux mafieux qui en tirent profit.

La vidéo de Envoyé spécial (mars 2017)


Envoyé spécial. Avec les meilleures intentions du monde


La vidéo ci-dessous a été diffusée en février 2016. Cela se passe en Europe.


Bébés bulgares à vendre: le commerce de la... par ladepechefr
 

Bébés bulgares à vendre:
le commerce de la misère qui rapporte gros

"Iliana est partie enceinte en Grèce. Elle est rentrée en affirmant avoir perdu son bébé à la naissance". L'explication ne trompe personne dans ce ghetto rom de Bulgarie: le nouveau-né a certainement été vendu de l'autre côté de la frontière.
"Les faits sont très difficiles à prouver. Les femmes sont des victimes, mais souvent ce sont elles qui ont cherché à vendre un bébé, et elles ne coopèrent pas pour faire accuser les trafiquants", soupire Ivan Kirkov, chef du parquet de Bourgas (sud-est), préfecture au bord de la mer Noire.
Le trafic de nourrissons a pris pied dans les ghettos rom de la région il y a une quinzaine d'années, mais touche désormais d'autres provinces comme celles de Varna (nord-est), Aïtos, Karnobat, Yambol, Sliven (sud-est) ou Kazanlak (centre).
"Iliana est partie enceinte en Grèce (...) C'est le troisième bébé qu'elle vend", chuchote une femme d'Ekzarh-Antimovo, un village rongé par la misère, à 40 kilomètres de Bourgas.
Une autre habitante du même village doit être jugée pour avoir vendu un bébé en Grèce. Elle refuse de parler aux journalistes de l'AFP. "Je ne suis pas celle que vous cherchez", s'écrie cette femme replète au cheveux teints en rouge.
Sa petite maison blanche, décente, se distingue des autres, des masures décrépites où des familles nombreuses couchent à même le sol, souvent sans eau courante et sans électricité.
"Quelques 97% (des Roms) sont illettrés", explique le maire d'Ekzarh-Antimovo, Sachko Ivanov, affirmant que les ventes de bébés restent "un phénomène isolé, cantonné aux plus marginalisés". Mais "il y en a eu et il y en aura toujours car la misère est profonde", observe-t-il.

3.500 euros le bébé
Cette activité criminelle est favorisée par le cadre législatif de l'adoption en Grèce: les adoptions "privées" sur la base d'un accord, devant notaire, de la mère naturelle et des parents, y sont autorisées. Toute transaction financière est proscrite mais des délinquants, avocats, notaires, voire médecins véreux se sont engouffrés dans la brèche.
Un mécanisme précisément décrit dans une récente enquête de la chaîne de télévision bulgare Nova.
"Trois ou quatre trafiquants tiennent le marché grec", vendant "5-6 bébés par mois", y affirmait Plamen Dimitrov, un Rom de Bourgas chargé du transport des mères à Athènes, citant le cas d'une femme ayant vendu huit enfants.
Le chef de réseau empoche selon lui 12.700 euros par transaction, dont 3.500 euros destinés à la mère biologique, somme conséquente en Bulgarie où le salaire moyen est de 470 euros par mois.
Au cours des cinq dernières années, seize personnes ont été condamnées pour ce crime dans la région de Bourgas. En 2015, 27 personnes ont été inculpées pour le trafic de 31 femmes enceintes soupçonnées d'avoir vendu 33 bébés au cours des dernières années. Trois procès sont en cours.
Des peines avec sursis sont généralement prononcées, sauf en cas de récidive.
En Grèce, des réseaux sont aussi démantelés et jugés sporadiquement. En 2014, dans le centre du pays, les policiers sont intervenus au moment de l'échange d'un bébé de 21 jours contre 10.000 euros.
En 2015, le rapport du Département d'Etat américain sur le trafic d'êtres humains citait la Bulgarie comme "une des principales sources" de l'Union européenne en la matière. L'inefficacité de l'appareil judiciaire du pays et la corruption sont régulièrement critiquées dans les rapports de l'UE.

'Je ne suis pas à vendre'
A Kameno, petite ville à 15 km de Bourgas, les autorités misent également sur la prévention.
Ici, les trafiquants, "fournissent des femmes enceintes à (l'île grecque de) Crète, et leur argent vient aussi d'autres activités illicites comme le trafic de migrants", assure un policier sous couvert d'anonymat, en désignant les maisons de trafiquants présumés, surchargées d'ornements.
Résolue à "mettre fin au trafic de bébés et d'enfants à Kameno d'ici cinq ans", l'ONG Ravnovesie tente d'apprendre aux jeunes que "la vente d'une sœur ou d'un frère n'est pas une pratique normale", explique Maria Ivanova, directrice de l'école maternelle.
L'ONG a tenté de sensibiliser les mères il y a six mois mais s'est trouvée confrontée à une "vive hostilité". Alors elle s'est tournée vers les enfants et les adolescents, en leur prodiguant une leçon sur les valeurs familiales et en dotant les petits de maternelle de bracelets et insignes qui affichent un slogan simple: "Je ne suis pas à vendre".

La Dépêche du Midi (18 février 2016)

mardi 30 mai 2017

Albert Camus. La trace du manque

Comment parler du père et de la quête du père sans donner la parole à Albert Camus. Il est très présent dans l'ouvrage
Pour le prix Nobel de littérature 1957, on ne saurait avoir deux pères ni confondre son "vrai" père avec les pères spirituels. Cela ne l'a jamais empêché de toujours les honorer, que ce soit Louis Germain, son instituteur ; Jean Grenier, son professeur de philosophie ou encore l'oncle Gustave, le seul homme qui lui ait fait imaginer ce que pouvait être un père.
Le père fut le grand absent de l'œuvre de Camus. Parce que la guerre avait banalisé la mort, parce que la proximité familiale et l'organisation sociale du début du XXe siècle offraient facilement des figures paternelles de substitution, l'absence du père – Albert a perdu le sien, il n'avait pas un an – n'a pas pesé de tout son poids sur l'écrivain avant peut-être que l'auteur le devienne lui-même, à l'aube de la quarantaine.
Le père – le sien – devait être la figure centrale d'un ouvrage entrepris peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il travailla une dizaine d'années au Premier homme sans parvenir à lui donner la forme ou le ton qu'il souhaitait ; sa mort laissera inachevé ce qui, malgré tout, reste l'un de ses textes clés.
Décryptage de ce texte majeur par Agnès Spiquel, présidente de la Société des études camusiennes








samedi 27 mai 2017

Aliénation parentale, entretien avec JP Cambefort


Un sujet abordé dans Au nom des pères (p. 107…)

Entretien publié par le quotidien suisse Le Temps, le 25 janvier 2017

Le Temps: A quand remonte l’identification du SAP et à qui doit-on cette terminologie?
Jean-Pierre Cambefort: C’est le psychiatre et psychologue américain Richard Gardner qui a détecté ce syndrome dans les années nonante et l’a établi. Depuis, des pays européens comme le Danemark, la Belgique et l’Allemagne l’ont aussi homologué. Mais, pour des raisons de sacralisation maternelle, le sud de l’Europe est plus réticent à le reconnaître comme une pathologie. Or les dégâts sont impressionnants, que ce soit chez le parent cible ou chez les enfants.


– Quelles sont les attaques classiques d’un parent aliénant?
– Le parent aliénant ne cesse de tenir des propos dégradants sur l’autre parent, devant l’enfant. C’est la mort symbolique et affective qui est visée en premier. Ensuite, il agit sur tous les plans pratiques possibles. Les temps de gardes, les vacances, les activités extrascolaires, les fêtes d’anniversaire et de Noël, le lien avec les amis et la famille élargie, etc., tout est sujet d’entrave et/ou de conflit. Enfin, sur le plan juridique, il guette ou crée la moindre occasion d’accusation. Pension alimentaire soi-disant impayée, maltraitance imaginaire, voire même abus sexuels… là aussi, aucune occasion n’est manquée pour frapper et déstabiliser l’autre parent. On peut penser que j’exagère, mais le journal de bord du patient que j’ai suivi et que je nomme Jean-Paul dans le livre, montre sans ambiguïté l’assiduité de l’assaut.

– D’où vient une telle obstination?
– D’un trouble psychique profond. Le parent aliénant est clivé. Souvent très adapté et performant socialement, mais atteint d’un grave sentiment d’abandon, intimement. Même si c’est lui qui a quitté son ex-conjoint, il est inconsciemment dépendant de son approbation et panique à l’idée qu’il puisse être heureux sans lui. C’est une mise à mort dont l’enfant est l’outil.

– Ce sont donc des personnes à plaindre plus qu’à blâmer?
– Oui et non. Oui, car elles sont dans le déni, donc inconscientes de la souffrance qu’elles imposent, surtout à l’enfant. Mais non, car elles font de tels dégâts qu’il appartient au système judiciaire de les assigner à un suivi thérapeutique sans tergiverser.

– Quelles sont les conséquences sur le parent aliéné?
– Elles sont graves. Et peuvent aller jusqu’à la tentative de suicide. Tout dépend des ressources propres du parent cible qui vit en état de guerre permanent et devient fantôme de sa propre vie. L’image diabolique véhiculée à son sujet agit comme une sorte de gangue qui enserre et finit par l’étouffer. Un parent cible est souvent en dépression, perd fréquemment le lien avec son enfant qui, par survie, prend le parti du parent aliénant, et est rarement aidé par les institutions – sociales, juridiques ou policières — qui soutiennent traditionnellement la mère. Je rappelle que dans 75% des cas d’aliénation parentale, ce sont des mères qui opèrent.

– Et sur les enfants, quel est le poids du SAP?
– Terrible, là aussi. L’enfant est aux prises avec un conflit de loyauté majeur, mais finit par soutenir le parent aliénant parce que c’est avec lui qu’il vit et c’est celui qui se victimise le plus à ses yeux. Ce soutien ne se fait pas sans un immense sentiment, conscient ou non, de culpabilité. Pour avoir vu beaucoup de cas en foyer, je peux vous assurer qu’un enfant pris dans ce piège met des années à s’en remettre, s’il s’en remet.

– Comment prévenir un SAP et/ou le combattre, une fois qu’il est déclaré?
– De même qu’il y a des préparations au mariage, il devrait y avoir des préparations à la séparation pour que le parent fragile soit aidé en amont. Une fois que le syndrome est là, la médiation n’est d’aucune utilité puisque le parent aliénant est incapable d’introspection et n’a aucune envie de changer. Seul un jugement pour maltraitance familiale peut forcer ce parent dysfonctionnant à suivre une thérapie. Mais, pour cela, il faut que l’appareil judiciaire connaisse et reconnaisse ce syndrome.

– Une reconnaissance de plus en plus urgente et nécessaire en raison des mutations sociales… 
– Oui, la famille traditionnelle appartient au passé. De plus en plus, les familles se recomposent, vivent éloignées du clan (grands-parents, oncles, tantes, cousins, etc.) et, surtout, la relation parents-enfants se démocratise, «s’horizontalise». Ce qui est bien en termes de communication, mais dangereux quand il y a dysfonctionnement. L’alliance perverse qu’établit le parent aliénant avec son enfant est une bombe à retardement.

mardi 25 avril 2017

L'HISTOIRE NE NOUS APPARTIENT PAS

C'est au moment où ils veulent affirmer leur paternité que le constat s'impose :
les pères sont une espèce en voie de disparition.

Comment la société réagit-elle à cette évolution, sur les plans politique et juridique
en particulier ?
Quelle autorité l’État conservera-t-il lorsque le père qui la symbolisait aura disparu ?



Entretien avec Marc Mangin


Marc Mangin, la défense des pères ne va-t-elle pas à contre-courant de l'histoire ?
M.M. : Tout dépend de ce que l'on entend par la défense des pères. Il s'agit ici de comprendre la mutation de l'espèce humaine que nous sommes en train de vivre et cette mutation ne concerne pas seulement les "pères".

En quoi consiste cette mutation ?
M.M. : À retirer à l'Homme et à la nature le pouvoir de se reproduire. À le couper d'une histoire qui s'enracine dans les générations précédentes. À sélectionner les gènes pour obtenir un enfant parfait qui, surtout, ne déçoive pas les attentes de ses parents.

On est dans Le meilleur des mondes imaginé par Huxley ?
M. M. : Quasiment. Dans quelques décennies, la technique sera au point.

Vous ne pensez pas que, pour les enfants, l'important est d'avoir des parents. Point ?
M. M. : Justement non et tous les professionnels qui se sont penchés sur la question arrivent à la même conclusion : l'amour ne suffit pas, les enfants ont besoin de leurs géniteurs. Personne n'en doute lorsqu'il s'agit de la mère. Et bien il en va de même pour le père. Je cite pas mal de témoignages dans cet ouvrage d'hommes et de femmes toujours marqués, en dépit des années, par l'absence de leur père. Que ce soit Roger Waters ou Sylvie Testud, Albert Camus ou Jean-Paul Sartre, Marie Nimier ou Franck Courtès… tous portent les stigmates de leur traumatisme.

Quelle est en substance l'idée de ce livre ?
M. M. : Peut-être que l'Homme est le passeur d'une histoire qui ne lui appartient pas. Il est autant l'enfant de ses parents que le petit enfant de ses grands-parents et l'arrière petit enfant de ses arrières grands-parents. Sa richesse provient des milliards de combinaisons possibles que cette histoire permet au moment de sa conception. Il n’est pas et ne peut pas être le simple produit d’une éducation, il est le résultat d’une évolution biologique, culturelle, sociale et il me semble dangereux de chercher à s’émanciper de cette filiation.

Vous n'avez pas peur de tomber dans un certain conservatisme ?
Je prends le risque d’être qualifié de conservateur, mais je me range au point de vue de José Bové : il faut combattre les manipulations sur l’organisme vivant, qu’il soit végétal, animal ou humain.

Vous n’avez pas l’impression de vous éloigner de votre sujet en plaçant votre propos dans une logique économique ?
M. M. : Pas du tout. J’espère qu’aujourd’hui plus personne ne doute de l’influence de l’économique sur le politique. Les individus sont réduits à leur valeur marchande et vous aurez remarqué qu’elle baisse. La disparition du père est indispensable à l’aboutissement du projet libéral : un monde où tout s’achète et tout se vend. La logique commerciale a toujours considéré le corps comme un objet : un support d’abord (mode, maquillage…), puis un objet à part entière (prostitution, esclavage…). Avec les progrès de la science, on peut aujourd’hui acheter des pièces détachées (organes, sperme…) ou simplement les louer (ventres…)
Pour acheter les êtres humains au meilleur prix, il faut commencer par les précariser donc isoler les individus en brisant les liens de coopération et de solidarité ; une fois vulnérabilisés, il devient plus facile de les dresser les uns contre les autres. On ne construit pas une société sur l’exclusion d’une de ses parties, que ce soit le genre, les orientations sexuelles, les croyances religieuses, la couleur de peau… ou sur leur mise en opposition : les nationaux contre les étrangers, les jeunes contre les vieux, les homos contre les hétéros et bien sûr les hommes contre les femmes selon le bon vieux principe « diviser pour régner »

En fait, vous défendez les vieilles valeurs familiales ?
M. M. : Justement, il y a peut-être un piège et une raison à vouloir – comme le propose la logique libérale – balayer le socle social. Je défends d'abord le principe du « vivre ensemble » parce que nous n’avons pas d’autre choix. J’appartiens à une génération où lorsque l’on avait besoin d’un coup de pouce, on le cherchait d’abord au sein des cercles familiaux – comme le font encore les Chinois, les Philippins, les Africains… tous ces peuples que nous méprisons. Aujourd’hui, ça se discute – si on peut appeler ça discuter – au guichet d’une banque. Ce n’est pas le même taux d’intérêt. Tout est fait, depuis plus d’un siècle pour briser les réseaux de proximité et nous livrer aux prédateurs de la finance. Tout concourt à nous contraindre à chercher secours ou refuge auprès de nos bourreaux. C’est, à un autre niveau, ce qui s’est passé dans les entreprises avec la disparition des syndicats ouvriers.
Ce n'est donc pas la famille "archaïque" soumise au "patriarche" que je défends, c'est la relation humaine qui nous permet de vivre ensemble. En faisant disparaître des interlocuteurs humains choisis (de l’homme et de la femme) au profit d’interlocuteurs anonymes (le système ou ses représentants) nous déshumanisons la relation ; l’être humain n’est plus alors qu’une chose réduite à sa valeur marchande.
Propos recueillis par Christine Veran